SOCIÉTÉS (DROIT DES)

SOCIÉTÉS (DROIT DES)
SOCIÉTÉS (DROIT DES)

On désigne sous le nom de droit des sociétés l‘ensemble des règles de droit régissant cette catégorie de personnes morales de droit privé qui procèdent de la mise en commun de biens ou d‘industrie en vue d‘en partager le bénéfice ou de profiter de l‘économie qui pourra en résulter. Il est, en quelque sorte, la traduction technique de l‘adage selon lequel l‘union fait la force, et la devise des mousquetaires, «un pour tous, tous pour un», en représente une expression spontanée.

Le droit des sociétés organise cette chimère d‘une personne fictive dotée d‘une véritable personnalité juridique, d‘un patrimoine propre, de moyens d‘expression, d‘une responsabilité personnelle et de la capacité d‘ester en justice. La société se conçoit d‘ailleurs, à son origine historique, dans le fait du prince qui, seul, la crée à partir du néant.

Sans cesse, le droit des sociétés est partagé entre le souci de satisfaire cette ambition chimérique et celui de ne pas nuire à la sécurité juridique des tiers en permettant aux associés de disparaître tout à fait sous le masque social.

En France, le droit des sociétés est civil ou commercial, selon son domaine d‘élection, mais la prépondérance de la vie des affaires marque de son empreinte la naissance ou l‘évolution de règles communes. De même, la réalisation de l‘idée européenne commande l‘uniformisation des différents droits nationaux confrontés aux exigences du commerce international.

1. La notion de société

La personnalité morale

Dans une première approche, il est possible de considérer que la notion de société est indissociable de l’existence d’un droit des sociétés puisque la personnalité morale, qui en est le principal attribut, constitue elle-même une fiction juridique destinée à conférer au groupement social une capacité équivalente à celle d’une personne physique. Cette vue conduit à considérer que le législateur est seul maître de cette fiction et de son étendue.

À cette analyse fait écho une autre selon laquelle les groupements sont une réalité au moins technique, préexistant au droit, à l’égal des personnes physiques. Le but commun qui les caractérise donnerait ipso facto naissance à la personnalité sociale. Cette analyse est celle de la réalité des personnes morales.

Ainsi, Maurice Hauriou a affirmé que la personnalité juridique n’est pas une catégorie artificielle de la technique du droit, mais qu’elle fait partie du donné naturel. Par là, non seulement elle n’est qu’une retouche stylisée de la personnalité morale, qui a une réalité naturelle, mais encore «les idées directrices au nom desquelles elle est retouchée possèdent elles-mêmes une réalité indéniable, puisqu’elles servent d’armature à la civilisation occidentale qui a fait avancer l’homme dans la voie de toutes les vérités, la vérité morale, d’abord, la vérité scientifique ensuite».

Comme les partisans de cette seconde analyse reconnaissent au législateur le pouvoir de retirer la personnalité aux groupements, c’est seulement dans le silence, très rare, de la loi qu’il y a intérêt à prendre parti entre les deux thèses.

Le développement contemporain du droit de l’entreprise a fait renaître la réflexion sur la personnalité morale lors de la création, par la loi du 11 juillet 1985, de l’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (E.U.R.L.). Comme en défi aux concepts élaborés jusqu’alors, cette loi vient affirmer que, lorsque la société ne comporte qu’une seule personne, celle-ci est dénommée «associé unique». La fiction juridique est ici poussée à l’extrême, puisqu’elle crée, sur la tête d’un même individu, une personnalité morale de type social coexistant avec la personnalité physique. Cette forme sociale ne s’élabore qu’au regard de l’activité économique, abstraite de toute prise en considération d’une mise en commun de moyens. Elle rompt les liens avec le concept originaire de société, et le législateur s’est d’ailleurs attaché à traduire dans l’apparence cette spécificité en substituant le mot «entreprise» au mot «société».

Société civile et société commerciale

Le droit des sociétés envisage deux types essentiels de personnes morales qui, par définition, poursuivent un but lucratif à l’instar des individus, soit dans le domaine civil, soit dans le domaine commercial. Ces deux catégories, répondant à un critère tranché, se complètent aujourd’hui de sociétés à forme commerciale mais à objet civil, tandis que la réglementation des sociétés civiles s’est considérablement rapprochée de celle qui est applicable aux sociétés commerciales.

La société est une société de commerce si elle a pour objet une activité commerciale au sens de l’article 632 du Code de commerce. Les sociétés de commerce, régies en droit français par la loi du 24 juillet 1966, mais aussi par les dispositions générales des articles 1832 à 1844-17 du Code civil, sont de divers modèles.

Il existe des sociétés de personnes, comme la société en nom collectif et la société en commandite. Dans ces formes sociales, la considération de la personne des associés est un élément essentiel de constitution, et les associés – du moins certains d’entre eux pour la commandite – y sont personnellement responsables des dettes sociales.

À l’opposé se trouvent les sociétés de capitaux, dont le type est la société anonyme dans laquelle la personnalité des associés, alors dénommés actionnaires, est indifférente. Seul l’apport en capital compte. Entre les deux, la société à responsabilité limitée (S.àR.L.) est à la fois société de personnes et de capitaux.

Toutes ces sociétés de commerce sont dotées de la personnalité morale, mais il est visible que la personnalité des sociétés anonymes est plus fortement réalisée que celle des sociétés en nom collectif, où le passif de la personne morale ne se distingue pas nettement du passif personnel des associés.

Si la société n’a pas le commerce pour objet, elle constitue une société civile. C’est, en droit français, le domaine propre des articles 1845 et suivants du Code civil. La société civile se trouve cantonnée, en raison de son objet, à des domaines spécifiques tels que les activités libérales, l’agriculture, la construction immobilière ou l’enseignement.

La personnalité morale a été reconnue aux sociétés civiles par une série d’arrêts de la Cour de cassation de 1891 à 1994 mais n’allait pas de soi pour la doctrine du XIXe siècle. Celle-ci considérait que les textes du Code civil, comme ceux du droit romain auxquels ils étaient empruntés, convenaient, plutôt qu’à une personne morale, à une société fonctionnant sans patrimoine autonome, un peu à la façon d’une indivision, ce qu’était la societas romaine.

Quelque chose de la conception romaine a, du reste, resurgi dans la législation contemporaine, qui, d’abord pour les sociétés commerciales dans la loi de 1966 puis pour les sociétés civiles dans la loi de 1978, a retardé l’acquisition de la personnalité jusqu’à une immatriculation administrative. Avant cet instant, la société demeure simple contrat. Elle peut même demeurer à l’état de contrat, car il est permis aux parties de convenir que la société ne sera pas immatriculée, auquel cas elle est dite société en participation.

De la société civile sont nés des régimes juridiques dérivés, tels que celui du syndicat des copropriétaires dans le régime de la copropriété instauré par la loi du 10 juillet 1965, qui constitue une sorte de société à laquelle l’affiliation est obligatoire et non simplement volontaire.

À côté de ces deux classiques se sont fait jour des régimes juridiques spécifiques, élaborés le plus souvent dans le cadre ou pour le besoin de politiques sociales ou économiques particulières. Il s’agit, notamment, des sociétés coopératives – de production, de vente ou de consommation –, dont le statut a été établi par une loi du 10 septembre 1947; des sociétés à participation ouvrière, dont le statut, rénové en 1977, avait été élaboré en 1917; des sociétés à capital variable, dont le statut résulte de la loi du 24 juillet 1967; des sociétés d’économie mixte, qui associent une collectivité publique à des capitaux privés; enfin, des sociétés nationalisées, dont le capital appartient exclusivement à l’État.

2. L’évolution historique

L’évolution historique, non seulement en France mais dans l’Europe tout entière, s’est trouvée marquée par le passage de la création de la société par le fait du prince, ou sur son autorisation, à la libre constitution de la société dans un cadre réglementé. Il en résulte qu’une des questions les plus classiques du droit des sociétés consiste à s’interroger sur la nature contractuelle ou institutionnelle de ces dernières.

L’héritage médiéval

Il est indéniable que c’est dans les statuts des cités commerçantes du Moyen Âge, spécialement des cités italiennes, qu’il convient de chercher l’origine historique des diverses formes de sociétés commerciales actuellement usitées.

Cette filiation historique, tout d’abord, est très apparente en ce qui concerne la société en nom collectif, dont tous les caractères spécifiques apparaissent déjà dans la société commerciale privée du Moyen Âge. Tous les associés sont solidairement obligés envers les créanciers sociaux; la société se révèle au public par une raison sociale; son patrimoine, constitué par la mise en commun des apports de chaque associé, forme un bloc distinct des biens particuliers de ce dernier. Ces principes, affirmés déjà dans les statuts de la République de Gênes, se retrouvent dans l’ordonnance de Colbert pour le commerce terrestre de 1673.

Il n’est pas moins certain que la commandite moderne procède du contrat de commande médiéval, malgré les différences profondes qui, jusqu’à l’époque moderne, séparent les deux formes contractuelles.

Le contrat de commande de l’époque médiévale est moins un type de société défini qu’un cadre très souple, ouvert aux combinaisons les plus diverses, permettant aux banquiers de prêter à intérêt sans encourir les censures canoniques ou aux nobles de commercer sans déroger. On y découvre même le germe de l’assurance, la commenda médiévale n’étant pas sans analogie avec le nauticum foenus des Romains.

D’abord usité dans le commerce maritime (statuts des républiques italiennes, de Marseille, de Montpellier, etc.), le pacte de commande s’introduit dans le commerce terrestre, notamment en vue d’envois de marchandises dans les foires lointaines.

Le caractère occulte de l’opération, avantageux à l’origine en ce qu’il avait permis aux nobles ou aux gens d’Église de prendre part aux mouvements économiques du pays et à son expansion commerciale au-dehors, spécialement dans les Échelles du Levant, n’était pas sans inconvénients. Il favorisait la fraude et encourageait certains spéculateurs suspects à se lancer dans des opérations aventureuses avec des capitaux d’emprunt dont les bailleurs n’avaient pas les moyens matériels ni légaux de surveiller l’emploi.

Aussi l’ordonnance de 1673 a-t-elle soumis la commandite à une certaine publicité. Un extrait de l’acte de société devait être enregistré au greffe de la juridiction consulaire et affiché sur un tableau laissé en vue du public. Tous les noms des associés devaient y figurer, y compris ceux des commanditaires, pourvu que ceux-ci fussent commerçants de profession. Toutefois, à la différence de la société moderne, la commandite de l’ordonnance de Colbert ne comportait pas de raison sociale. Il n’y avait pas de signature sociale: le gérant traitait en son propre nom, à l’instar du gérant de société en participation dans notre droit actuel.

Il n’est pas jusqu’au droit des sociétés par actions dont on ne puisse trouver les origines au Moyen Âge. Sans doute ce type de société ne s’est-il développé qu’au XIXe siècle, parallèlement à la grande industrie qui nécessitait une importante mobilisation de capitaux; mais il n’en existait pas moins dès le XVe siècle, en Italie tout au moins, des banques privilégiées dont le capital était représenté par des titres cessibles, tout à fait analogues à des actions. La plus célèbre de ces banques fut la Banque de Saint-Georges, fondée à Gênes en 1409, et qui subsista jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. En principe, l’inscription sur un registre ad hoc tenait lieu de titre, mais les actionnaires qui le désiraient pouvaient obtenir un certificat d’inscription (biglietto di cartulario ).

Liberté et ordre public

Ce n’est toutefois qu’avec les compagnies privilégiées de colonisation ou compagnies à chartes, créées par les puissances maritimes – France, Angleterre ou Pays-Bas – pour la mise en valeur de leurs possessions lointaines, qu’apparaît en pleine lumière le type moderne de l’action: un titre circulant, transmissible à cause de mort et cessible entre vifs, négociable en Bourse, également favorable au développement des grandes entreprises et de l’agiotage.

Ces compagnies sont presque les seules sociétés par actions à avoir fonctionné sous l’Ancien Régime: ainsi s’explique le caractère tout exceptionnel de la législation applicable aux sociétés anonymes avant 1789 et même dans la première moitié du XIXe siècle. L’ancienne monarchie ne voyait dans cette forme de société qu’un moyen insolite de réaliser certaines entreprises d’intérêt public. Aussi chacune d’elles ne pouvait-elle se constituer qu’en vertu d’une charte spéciale et individuelle, et les lettres patentes, dont toute société nouvelle devait se pourvoir, réglaient dans le détail son mode de fonctionnement.

La politique des assemblées révolutionnaires à l’égard des sociétés par actions fut assez incohérente. À la liberté illimitée dont elles jouissaient sous l’empire de la loi des 2 et 17 mars 1791 succéda, avec le décret du 24 août 1793, une réglementation rigoureuse, bientôt suivie d’une prohibition radicale. Le Directoire ne fut pas mieux inspiré, qui suivit une politique inverse et abrogea purement et simplement le décret de la Convention, laissant ainsi le champ libre aux abus de l’agiotage sans donner au public la moindre garantie contre les lanceurs d’affaires douteuses.

Le Consulat et l’Empire ont cherché une formule permettant de concilier l’esprit d’entreprise, inséparable d’une certaine liberté dans la constitution des sociétés de capitaux, et l’ordre public, directement intéressé à la mise en vigueur d’une législation protectrice de la fortune mobilière en actions.

En matière de sociétés, les rédacteurs du Code civil de 1804 n’ont vu dans celles-ci qu’un contrat purement privé inspiré du droit romain, et rien dans les textes de cette époque ne permet d’affirmer qu’ils aient envisagé la société comme dotée d’une personnalité juridique. Ce n’est que par la suite qu’une jurisprudence prétorienne a dégagé cette notion répondant aux nécessités économiques nouvelles.

Les rédacteurs du Code de commerce (1807) ont, au contraire, fait œuvre personnelle et novatrice, tout au moins dans leur réglementation des sociétés par actions. Leur réflexion à cet égard, sans cesse dépassée par l’évolution économique, était des plus précaires et a subi, au cours du XIXe et du XXe siècle, tous les contrecoups des transformations sociales qu’ont entraînées en tous pays l’essor de la grande industrie et le développement rapide des moyens de communication nationaux et internationaux.

En ce qui concerne les sociétés par intérêt, le législateur de 1807 s’est borné à synthétiser et à compléter l’œuvre de la monarchie.

Le Code de 1807 avait cru devoir établir une antithèse entre la société anonyme, type traditionnel de la compagnie de finances, approprié aux grandes entreprises, et la commandite par actions, type nouveau, créé en vue des entreprises privées de moyenne envergure, tenant le milieu entre la société de personnes et la société de capitaux. Les sociétés anonymes étaient placées sous le régime de l’autorisation préalable. Le Conseil d’État jouissait d’un pouvoir discrétionnaire pour accorder ou refuser l’octroi à telles conditions qu’il lui plaisait de fixer. Pour les sociétés en commandite par actions, la liberté était au contraire à peu près illimitée. Non seulement elles étaient affranchies de toute autorisation, mais aucune réglementation légale ne leur était imposée soit pour leur constitution, soit pour leur fonctionnement.

De cette liberté sont résultés les abus les plus graves, et la période comprise entre 1820 et 1840 est restée célèbre par la «fièvre des commandites» dont la plupart n’étaient qu’un instrument d’exploitation, par des financiers sans scrupules, de l’épargne trop confiante.

La loi du 18 juillet 1856, qui a constitué une première étape sur la voie conduisant presque toutes les législations à abandonner le système de l’autorisation pour celui de la réglementation, a apporté deux limites essentielles en établissant un arsenal de formalités constitutives et en soumettant les gérants au contrôle des organes de surveillance de la société.

La loi du 23 mai 1863 sur les sociétés à responsabilité limitée marque une seconde étape. Ces sociétés, véritables sociétés anonymes sans en afficher le nom, pouvaient désormais, à l’instar des limited companies du droit anglais, se constituer librement, à la condition de se conformer à des prescriptions analogues à celles qu’avait établies la loi de 1856.

Le résultat de ces interventions législatives successives était la coexistence de trois types de sociétés par actions fonctionnant parallèlement: la société anonyme d’origine, soumise à l’autorisation gouvernementale, la société en commandite par actions et la société à responsabilité limitée, ces deux dernières placées l’une et l’autre sous le nouveau régime de la liberté réglementée.

Cette législation tripartite ne constituait pas un ensemble cohérent, et une loi du 24 juillet 1867 a procédé à une unification d’ensemble des régimes juridiques consacrant la liberté réglementée. Ce texte est demeuré, avec de nombreuses adaptations, la charte des sociétés anonymes jusqu’à l’intervention de la loi du 24 juillet 1966 portant réforme du droit des sociétés.

C’est cette dernière loi qui, conjointement avec les dispositions du Code civil rénovées en 1978, établit le régime juridique des sociétés en France.

3. Le régime juridique en France

Les types principaux de sociétés

Six types principaux de sociétés coexistent dans notre droit contemporain des affaires, qui a maintenu le principe de statuts légaux impératifs répondant aux nécessités d’ordre public de protection. Il n’est possible que d’en donner une idée sommaire.

La société en nom collectif est constituée par deux ou plusieurs associés, dits associés en nom, qui engagent dans l’affaire sociale non seulement leurs apports, mais tout leur patrimoine. Les créanciers de la société pourront ainsi demander à être payés sur tous les biens de ces derniers. Les associés en nom sont tenus indéfiniment et solidairement du passif social. Ils sont d’ailleurs commerçants et mis en faillite avec la société.

La commandite simple est constituée par un ou plusieurs commandités et par un ou plusieurs commanditaires. Les commandités sont placés dans la même situation que les associés en nom. Les commanditaires, en revanche, ne sont tenus des dettes sociales qu’à concurrence de leurs apports. Ils ne sont pas commerçants par le seul fait qu’ils sont associés d’une commandite commerciale. Ils ne doivent pas s’immiscer dans la gestion de la société.

La commandite par actions est constituée par un ou plusieurs commandités et par de nombreux commanditaires, dits actionnaires. Les commandités sont traités comme dans la commandite simple. Les actionnaires, détenteurs de titres négociables représentant une partie du capital de la société, ne sont tenus des dettes sociales qu’à concurrence de leurs actions, qui représentent leurs apports; ils ne peuvent pas gérer la société.

La société anonyme est l’organisation dans laquelle tous les associés, dits actionnaires, détenteurs de titres négociables représentant une partie du capital social, ne sont chacun tenus qu’à concurrence de leur mise, représentée par leurs actions.

La société à responsabilité limitée ne comprend également que des associés dont l’engagement au regard des dettes sociales est limité, mais ceux-ci ne sont pas détenteurs de titres négociables, leurs parts n’étant pas librement cessibles.

La société en participation , enfin, est constituée par deux ou plusieurs personnes et n’apparaît pas aux yeux des tiers. L’un des associés traite avec les contractants, fournisseurs ou clients, comme s’il agissait pour son propre compte. La société n’existe que dans les rapports entre associés sans comporter de projection extérieure.

La société, organisation juridique de l’entreprise

L’évolution contemporaine tend plus que jamais à faire de la société une véritable organisation juridique de l’entreprise. Il résulte de cette évolution des conséquences sur les relations des structures d’entreprises entre elles.

L’ordonnance du 23 septembre 1967 a institué les groupements d’intérêt économique (G.I.E.) afin que les entreprises, pour s’adapter aux dimensions d’un marché élargi, puissent mettre en commun certaines de leurs activités. Le G.I.E., qui offre aux opérateurs une structure juridique intermédiaire entre la société et l’association, a obtenu un succès variable qu’a tenté de relancer la loi du 13 juin 1989.

L’évolution contemporaine met aussi en lumière une véritable dynamique des sociétés commerciales qui, fréquemment, ne peuvent plus être appréhendées d’un point de vue statique et individuel, mais bien dans le cadre nécessaire des liens qui les unissent entre elles.

Le mouvement de concentration, qui donne aux entreprises une dimension propre à faciliter leur compétitivité, déjà développé aux États-Unis à la fin du XIXe siècle, n’a pris son véritable essor en Europe que depuis les années 1960; les pouvoirs publics français l’ont largement favorisé par des avantages fiscaux et l’octroi d’aides financières.

Cette concentration se traduit par l’établissement de liens contractuels qui peuvent être de contenu et de durée très variables; par l’établissement de liens financiers qui permettent, par des prises de participation, la constitution de groupes de sociétés avec une société mère ou un holding, des filiales et des sous-filiales; enfin, par l’établissement de véritables liens structurels qui s’établissent par des opérations de fusion ou de scission.

4. L’évolution européenne contemporaine

L’influence du traité de Rome s’est particulièrement marquée sur le droit des sociétés, et un effort notable a été accompli pour coordonner par l’adoption de directives les législations des États membres de la Communauté européenne. La création d’une «société européenne» a été entreprise, mais n’a, pour l’heure, pas donné lieu à l’établissement de règles de droit positif.

L’harmonisation des législations nationales

L’article 54 du traité de Rome définit les tâches qui doivent être réalisées par le Conseil de la Communauté et la Commission de Bruxelles en vue de supprimer les restrictions à la liberté d’établissement.

Concernant plus particulièrement le droit des sociétés, il prévoit la suppression progressive des restrictions relatives à la création d’agences, de succursales ou de filiales ainsi qu’aux conditions d’entrée du personnel du principal établissement dans les organes de gestion ou de surveillance de celles-ci. Le Conseil dispose du pouvoir de coordonner, dans la mesure nécessaire et en vue de les rendre équivalentes, les garanties qui sont exigées des sociétés, dans les États membres, pour protéger les intérêts des associés et des tiers.

Plusieurs des directives déjà adoptées par le Conseil afin de procéder à cette harmonisation ont entraîné, en France, une adaptation de la loi de 1966.

L’article 220 paragraphe 3 du traité de Rome prévoit, pour sa part, que les États membres doivent engager entre eux des négociations en vue d’assurer la reconnaissance mutuelle des sociétés, le maintien de la personnalité juridique en cas de transfert du siège de pays en pays et la possibilité de fusion de sociétés relevant de législations nationales différentes. Une convention sur la reconnaissance mutuelle des sociétés a été signée à Bruxelles le 29 février 1968.

L’idée de société européenne

L’œuvre d’harmonisation déjà accomplie n’est pas négligeable, mais l’intérêt se fait jour, pour le développement de l’économie européenne, d’aboutir à la reconnaissance d’une société européenne dont le régime juridique serait le même dans tous les États membres et qui ne serait juridiquement rattachée à aucun pays.

La première proposition relative à cette société anonyme européenne date de 1970. Elle a été modifiée en 1975, mais ne fait plus l’objet de discussion par le Conseil des ministres depuis 1982. Toutefois, le projet a été relancé par la Commission elle-même qui a adopté, en vue de sa transmission au Conseil, une proposition de règlement portant statut de la société européenne. Cette proposition a été soumise dès 1989, puis, après modification, une nouvelle fois en 1991.

Le principal objectif de ce projet est de libérer les sociétés intéressées des contraintes juridiques qui résultent de l’existence d’autant de réglementations différentes que d’États membres. Il crée ainsi un droit indépendant, distinct des droits nationaux, mais la loi nationale du pays du siège resterait applicable en cas de silence du règlement communautaire et des statuts.

Plus modestement, le Conseil a adopté en 1985 un règlement instituant le groupement européen d’intérêt économique permettant, comme le G.I.E. français, de faciliter ou de développer l’activité économique de ses membres et d’améliorer ou d’accroître les résultats de cette activité.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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